Les Roms ont une histoire et veulent un avenir

Par Véronique Leblanc

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« Rom » en langue romani veut dire « homme accompli ». Un mot choisi par les Roms eux-mêmes lors de leur premier Congrès mondial organisé près de Londres le 8 avril 1971, il y a juste cinquante ans.

Pour marquer cet anniversaire ainsi que la Journée mondiale des Roms célébrée elle aussi le 8 avril, le Conseil de l’Europe organise cette semaine – de mardi à jeudi – trois jours de conférence en ligne où plus de 120 participants débattront en français, anglais et romani. Au cœur de leur thématiques : l’inclusion des jeunes Roms ainsi que l’importance, pour y parvenir, de promouvoir l’enseignement de l’histoire de leur communauté venue d’Inde du Nord au fil des migrations du IXe siècle.

Un holocauste oublié des procès de Nuremberg

Cet enseignement doit être intégré dans les programmes scolaires et les matériels pédagogiques des 47 États membres du Conseil de l’Europe précisait le Comité des ministres des affaires étrangères du Conseil de l’Europe dans une Recommandation adoptée en juillet dernier. Y est soulignée l’importance de l’enseignement de l’Holocauste des Roms et des gens du voyage commis par le régime nazi et ses alliés durant la seconde guerre mondiale, désormais commémoré le 2 août mais longtemps passé sous silence.

« Dans les années 1930 et 1940, les Roms et les Gens du voyage ont été voués à l’extermination. De la Baltique aux Balkans, les forces fascistes les ont exécutés par centaines de milliers. En Allemagne, seuls quelques milliers de Sintés et de Roms ont survécu à l’Holocauste et aux camps de concentration. Pourtant, la question du massacre du peuple rom n’a pas même été soulevée lors des procès de Nuremberg », a ainsi rappelé Marija Pejčinović Burić, Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, en annonçant la conférence.

Mais, souligne par ailleurs la Recommandation, il ne faut pas réduire les Roms au statut de victimes. Des récits positifs s’imposent et doivent mettre en valeur leur rôle dans les mouvements de résistance antinazi et antifasciste, leur apport aux techniques de métallurgie, d’artisanat et d’élevage ainsi que la richesse de leur culture, de leur musique et de leurs traditions.

Rappeler tout simplement que les Roms et les gens du voyage font partie des sociétés nationales et européenne pour lutter contre la haine, les préjugés et les discriminations.

Cette prise en compte du passé doit aller de pair avec la nécessité d’affronter les problèmes d’aujourd’hui et « nous voyons qu’il y a encore beaucoup à faire » a souligné Marija Pejčinović Burić en se référant, notamment, au dernier rapport annuel de la Commission contre le racisme du Conseil de l’Europe. Axé sur les discriminations en temps de pandémie, celui-ci montre combien les Roms ont particulièrement souffert de la crise sanitaire. Confinés dans des quartiers surpeuplés où les gestes barrière étaient illusoires, ils ont été coupés des services publics et leurs enfants, privés d’ordinateur et d’Internet, n’ont guère eu accès à l’enseignement à distance.

Une histoire des Roms écrite par les Roms

Des discriminations de plus sur fond de stigmatisation collective, de brimades et d’exclusions contre lesquelles les jeunes Roms de 2021 sont déterminés à agir confie Thorsten Afflerbach, chef de division « Équipe Roms et gens du voyage » au Conseil de l’Europe. « Ils sont en train de préparer une Déclaration qui sera publiée le 8 avril où ils demandent au Conseil de l’Europe et aux États membres de les associer encore plus à la lutte contre les discriminations qui frappent leur communauté ».

Ces jeunes se veulent acteurs de leur avenir et porteurs de l’histoire de leurs ancêtres.

Cette histoire, d’autres Roms travaillent aujourd’hui à l’établir au sein de l’Institut européen pour l’Art et la Culture Rom (ERIAC) inauguré à Berlin en 2017. « L’Institut a été notre partenaire pour la mise en place de la conférence », précise Thorsten Afflerbach. « Les travaux de ses historiens seront à la disposition des Etats membres qui ont cinq ans devant eux avant un premier bilan de mise en œuvre de la Recommandation sur l’enseignement de l’histoire des Roms et des gens du voyage. »

Rendez-vous donc en 2025 pour un premier point d’étape académique.