Dominique Salmon, artiste engagée

Dominique Salmon est une artiste peintre dont la devise est « Tout est joie ». Elle se plaît à décrire ses créations comme des invitations à rencontrer ses « couleurs intérieures ». Humaniste convaincue, elle a spontanément accepté de faire don d’une œuvre, dans le cadre de la vente aux enchères « Adjugé pour l’antiracisme! », pour soutenir le développement des actions de la Licra auprès des enfants.

Licra Bas-Rhin: Qu’est ce qui vous inquiète le plus dans l’actualité? Et pourquoi soutenir les actions éducatives de la Licra?

Dominique Salmon: Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’ignorance. En effet, on ignore que l’autre est un humain, on ignore que les autres sont nos semblables. Pour contrer cela, je pense qu’il faudrait apprendre à laisser une place, car lorsqu’on est replié sur soi-même, nous n’avons plus de place pour respirer. Nous étouffons lorsque nous sommes en repli sur soi, et un jour ou l’autre on éclate. Je crois qu’être un peu moins repliés sur soi-même laisse la possibilité de porosité. Ce mot vient d’Albert Jacquard, je trouve que ce mot est essentiel dans son vocabulaire. C’est à dire qu’on peut recevoir et qu’on peut donner, et que si on était plus dans cette notion on recevrait mieux et on donnerait mieux. Par rapport à cette ignorance, elle est reliée à l’absence de conscience, d’être.

Il faut commencer par les petits, les aider à s’éveiller, à avoir une réflexion, à s’ouvrir à la réflexion. Par exemple, j’ai toujours pensé qu’il fallait introduire l’idée philosophique dans le primaire pour qu’il y ait une idée de réflexion, une idée d’apprentissage par la réflexion personnelle, par le sens critique. L’enfant, on lui met des choses dans la tête, comme un dépôt, et il restitue très souvent ce qu’il entend. Il reçoit des choses de manière inconsciente. Mais l’école ne peut pas s’occuper de tout. Je pense que si on aidait l’enfant à développer une réflexion, dès tout petit, à réfléchir, et si l’enfant arrivait à être reconnu en tant que personne, à acquérir une réflexion par lui même, il pourrait « être ».

« La Rencontre » (Dominique SALMON) Collage et acrylique

« La Rencontre »
(Dominique SALMON)
Collage et acrylique

Je pense que cela est particulièrement important et relève de notre responsabilité. Il faut dire à l’enfant qu’il existe en dehors de nous, en tant que personne, et pas en étant quelque chose qui nous appartient. Il doit s’appartenir d’abord à lui même. Il faut qu’on l’aide à réfléchir, à recevoir et réfléchir, avoir un sens critique, que nous les aidons à regarder nos erreurs, dont nous avons pris conscience, et que nous avions commises parce que nous étions ignorants.

Les aider à ne plus accepter ce que nous avons fait, lorsque nous étions ignorants, nous les adultes.

Les enfant sont protégés dans les écoles, et dans le cadre familial, car on leur transmet des choses rassurantes. Or la vie n’est pas rassurante. Et d’un seul coup, ils doivent être adultes, à 18 ans. A cet âge, on n’est pas prêt. On n’est jamais prêt. Les coups durs, on ne les choisit pas. Il faut leur faire accepter d’être bousculés dans leur vie. Ils doivent être rassurés par l’amour, par plein de chose,s mais aussi apprendre à accepter d’être bousculés.

Sans oublier que lorsqu’on aide un enfant à réfléchir, il prend confiance en lui. On a tous besoin d’être reconnu par les autres. L’ignorance, je pense est un des premiers maux de ce que nous sommes. Tout le mal que je fais malgré moi, c’est par l’ignorance. Les autres font le mal tout comme moi par ignorance. Si on en est conscient, on ne peut pas faire de mal. Je pense que nous sommes pas suffisamment conscients de ce que nous sommes. Je pense aussi qu’il ne faut pas baisser les bras.

Cette action auprès des enfants est à mon sens fondamentale. Il faut leur donner une chance de faire mieux, de leur donner cette chance et les aider à accepter la notion de possible, d’une évolution possible et dont nous sommes les transmetteurs maladroits.

Mais en leur montrant que nous sommes maladroits, on leur permet d’avoir confiance en eux.